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Reportage: avec deux jeunes pygargues relâchés par un parc de Haute-Savoie

Deux jeunes pygargues tombés de leur nid ont été soignés et relâchés par le parc Les Aigles du Léman, en Haute-Savoie. Reportage.

Deux jeunes pygargues tombés de leur nid ont été soignés et relâchés par le parc Les Aigles du Léman, en Haute-Savoie. Reportage.

L’équipe du parc zoologique Les Aigles du Léman, situé à Sciez, en Haute-Savoie, s’active de bon matin en cette journée d’août avant que la température ne tourne à la canicule. Les soigneurs préparent un événement très spécial : le baguage de deux jeunes pygargues à queue blanche sauvages, presque prêts à être relâchés dans la nature.

Les aiglons ont été recueillis par le parc en juin 2025, après la chute de leur nid en Moselle. « C’est un coup de bol, parce que le nid est visiblement tombé la veille de notre passage pour une campagne de baguage, avec LOrraine Association NAture », se rappelle Jacques-Olivier ­Travers, directeur des Aigles du Léman. Les miraculés ont subi une chute de près de 17 m, et le fauconnier et son équipe n’ont pas vu les parents. Tandis que le premier jeune, un mâle, a été découvert rapidement, sa sœur, elle, a survécu seule pendant plusieurs jours.

Déshydratée et affamée, elle a dû faire un séjour en centre de soins avant de rejoindre son frère déjà transféré. « C’est une espèce si rare qu’il n’y avait pas de structure sur place qui aurait permis de les élever et les relâcher », explique Jacques-Olivier Travers.

Jeune femelle pygargue aux Aigles du Léman.
Jeune femelle pygargue / © Athéna Salhi

Famille recomposée

Avec le feu vert du ministère de l’Environnement, les oisillons ont donc été confiés à un père adoptif. Nommé Onéga, celui-ci appartient au programme de réintroduction des pygargues à queue blanche mené par Les Aigles du Léman. Pour lui faire accepter ces aiglons déjà relativement âgés – les adoptions se font normalement entre 5 et 10 jours –, les soigneurs ont dû séparer le mâle de sa famille – une femelle et leurs petits. « Avec l’oisillon mâle, ça a été très simple. On a mis de la nourriture, Onéga l’a prise et l’a montée au nid pour l’alimenter. » L’adaptation a été plus complexe avec sa sœur : arrivée deux semaines plus tard, elle savait déjà voler, et monopolisait donc la nourriture déposée au sol, empêchant son père adoptif de se nourrir. Les soigneurs ont alors passé de nombreuses heures devant la caméra de surveillance, inquiets de l’issue de son introduction. « Elle est énorme, donc elle faisait peur à Onéga », décrit le fauconnier. Les femelles pygargues à queue blanche sont en effet plus imposantes que les mâles. Heureusement, au bout d’une dizaine de jours, la famille recomposée a fini par s’entendre.

Cette expérience est une première pour le parc qui, jusqu’ici, n’avait jamais accueilli de pygargues sauvages. Les jeunes relâchés chaque année sont élevés par leurs parents nés en captivité, dans des volières installées à l’écart des visiteurs. Le contact avec l’être humain est réduit au maximum : pendant leur séjour, les deux aiglons, baptisés Vodiff pour le mâle et Lindre pour la femelle, n’ont reçu que deux visites quotidiennes, celles de l’Alien. De son vrai nom William Bourdenet, assistant du projet de réintroduction, notamment chargé de leur apporter à manger dans une combinaison intégrale permettant de ne pas les familiariser avec l’humain. Au menu des saveurs sauvages : lapins, canards, gardons ou encore ragondins, afin de les accoutumer à leurs futures proies.

Jacques-Olivier Travers (à gauche), directeur du parc Les Aigles du Léman, et William Bourdenet, du projet de réintroduction.
Jacques-Olivier Travers (à gauche), directeur du parc Les Aigles du Léman, et William Bourdenet, du projet de réintroduction. / © Athéna salhi

Vers d’autres cieux

Comme les autres jeunes du programme, Vodiff et Lindre passent en cette matinée par une dernière épreuve avant de retourner à la nature. Après avoir pris leurs mesures et prélevé quelques plumes pour des analyses, William se lance dans la pose de dispositifs de suivi. Deux bagues, une française et une européenne, permettront d’identifier les oiseaux en cas de migration.

J’espère qu’ils auront une longue vie, et qu’on va pouvoir les étudier très longtemps

À cela s’ajoute une balise GPS, qui actualise presque chaque seconde la position de l’oiseau. Pesant une cinquantaine de grammes, elle est attachée comme un petit sac à dos avec un harnais prévu pour casser au bout de quelques années. Au-delà de son intérêt scientifique, cet appareil permet en cas de braconnage de fournir des preuves pour poursuivre les coupables en justice. « J’espère qu’ils auront une longue vie, et qu’on va pouvoir les étudier très longtemps », positive Jacques-Olivier Travers. Les deux jeunes pygargues sont bien partis pour : le mois suivant notre venue à Sciez, Vodiff et Lindre ont été relâchés avec succès. Le premier a choisi de rester près de son père adoptif, tandis que sa sœur s’est aventurée le long du Rhône et en montagne, avant de revenir à son point de lâcher. Sauvetage réussi !

En vidéo: Retrouvez les images de l’opération de baguage des pygargues sur notre page Instagram



Réintroduction, vraiment ?

Sur les bords du Léman, la réintroduction des pygargues à queue blanche fait débat. Contrairement aux aiglons nés dans la nature dont nous racontons l’histoire dans ce reportage, les jeunes relâchés chaque année par le parc sont élevés sur place pour vivre un jour à l’état sauvage. L’idée : voir de nouveaux couples de cette espèce – disparue dans plusieurs pays européens à cause de la pression humaine – s’installer dans la région. Certains spécialistes sont néanmoins critiques sur le projet.

Pour Laurent Vallotton, ornithologue, c’est la qualification du programme de réintroduction qui coince. Afin de justifier ce terme, le parc met en avant des observations anciennes de jeunes pygargues qui seraient nés en Haute-Savoie, dans la forêt de Ripaille, au XIXe siècle. Selon Laurent Vallotton, les preuves avancées sont trop fragiles pour attester une nidification antérieure du rapace dans cette zone. Il remet en cause la fiabilité des témoignages de l’époque, pourtant cités aujourd’hui par le parc. « C’est la seule chose qui me chagrine », conclut le scientifique, qui toutefois ne rejette pas les côtés positifs de ce type d’actions.

Couverture de La Salamandre n°291

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 291  Décembre 2025 - Janvier 2026, article initialement paru sous le titre "Sauvetage de haut vol"
Catégorie

Écologie

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