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Huit pieds sous les mers

20 faits incroyables à savoir sur le poulpe

Les pieuvres évoluent dans un monde sans humains qui recouvre les deux tiers de la Terre. Découvrons ces créatures comme si elles venaient d’une autre planète.

Les pieuvres évoluent dans un monde sans humains qui recouvre les deux tiers de la Terre. Découvrons ces créatures comme si elles venaient d’une autre planète.

Bras de mer poulpe salamandre 288

Appendices, pieds, bras, pattes ou tentacules ?

Ce sac de nœuds lexical est mobilisé chaque fois qu’il s’agit de nommer les membres extraordinaires et parfois loufoques des invertébrés. Alors non, le poulpe n’a pas de tentacules, on parle plutôt de bras. Au nombre de huit – c’est le sens de octopode en grec – après que l’évolution en a fait disparaître deux par rapport aux cousins.
Les calamars et seiches, d’une part, en ont deux supplémentaires, ventraux, évolués en tentacules. Et les vampires, d’autre part, chez qui la paire en plus, dorsale, est transformée en filaments sensoriels. Sur les bras, des ventouses courent tout au long de la face orientée vers la bouche. Alors que sur les tentacules, généralement plus longs, les ventouses sont concentrées sur l’extrémité spatulée.

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Poulpe commun, avec les huit bras bien visibles. Ces membres, riches en muscles circulaires et longitudinaux, possèdent une indépendance cérébrale et des dizaines de ventouses. C’est en outre la partie consommée en cuisine. / © Martin Strmiska / Alamy 
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Seiche commune

Calamar commun

© Seiche : Jean Lecomte / Biosphoto - Calmar : Borut Furlan / WaterFrame / Biosphoto

Les deux tentacules de la seiche commune et du calamar commun sont ici invisibles. Élastiques et rétractables, ces armes de chasse redoutables jaillissent de façon fulgurante pour capturer la proie (> schémas).

Couronnes de bras et autres membres différenciés chez trois groupes de céphalopodes :

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Redessiné d’après Hanlon et al., 2019

Cerveaux poulpe salamandre 288

Jouer les gros bras, pour la pieuvre, c’est un signe d’intelligence.

En effet, 60 % des 500 millions de neurones d’un poulpe commun se trouvent dans ses membres ! Le cerveau central, plus conventionnellement situé sous le crâne, abriterait 10 % des neurones, directement entourés des 30 % restants, répartis dans les lobes oculaires. Alors, créature à neuf cerveaux, le poulpe ? D’une certaine manière oui, car l’autonomie des ganglions situés à la base des bras, sortes de centres de commande délocalisés, a été mise en évidence.

Dans Le Prince des profondeurs, l’auteur Peter Godfrey-Smith écrit que « certaines études comportementales donnent même l’impression que les poulpes ne savent pas toujours où se trouvent leurs bras, que ceux-ci semblent curieusement divorcés du cerveau, du moins pour ce qui est du contrôle des mouvements de base ».

Ce même auteur nous invite à penser le poulpe différemment, à sortir de la dualité corps-cerveau. Où commence le cerveau et où s’arrête-t-il ? La réponse n’est pas si évidente et la question plutôt inspirante.

Larve de pieuvre photogénique (Wonderpus photogenicus)

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Votre esprit d’humain a tout de suite vu un cerveau ici ? Mais ce n’est pas une tête, c’est un corps avec des organes digestifs, respiratoires…

Le cerveau central est ici, entre les yeux

© Yung-Sen Wu

Encre poulpe salamandre 288

Le poulpe a plus d’un tour dans son sac, c’est le cas de le dire !

Il est passé maître de l’illusion et du détournement d’attention en pratiquant la technique de l’écran de fumée. La projection d’encre dans les moments de panique ou de fuite a pour but d’attirer le regard du prédateur vers une forme éphémère censée ressembler à un animal. Pendant ce temps, notre magicien peut alterner entre plusieurs astuces pour tromper l’ennemi. À commencer par des mouvements ultrarapides en tous sens, dits protéens en référence au dieu grec Protée et ses changements de forme imprévisibles.
Et bien sûr le camouflage, par exemple en devenant clair et donc moins visible que l’encre. Parfois, le céphalopode use de l’intimidation en se grossissant en une forme impressionnante. Esbrouffe !

Poulpe commun projetant un jet d’encre en direction de vers de feu barbus (Hermodice carunculata), organismes charognards, lors d’une altercation autour du cadavre d’un autre poulpe (mer Adriatique).
Poulpe commun projetant un jet d’encre en direction de vers de feu barbus (Hermodice carunculata), organismes charognards, lors d’une altercation autour du cadavre d’un autre poulpe (mer Adriatique). / © Franco Banfi

Poche du noir

C’est l’autre nom du sac à encre, un organe constitué d’une glande qui produit de la mélanine – pigment noir – et d’une réserve de stockage. L’expulsion se fait via l’intestin tout proche puis le siphon, ou entonnoir, situé sur le côté de la tête.


Flottaison poulpe salamandre 288

Pourquoi flotter quand on veut ramper sur le fond ?

Adieu, coquille ! Chez le poulpe commun et sa grande famille, le vestige de l’encombrante bouée se résume à une paire de tiges incrustées au niveau du dos, où se fixent les muscles qui actionnent l’entonnoir. Pour les pieuvres d’eaux profondes, les cirrates, la coquille a muté en deux projections rigides latérales où s’appuient les muscles des nageoires qui caractérisent ce groupe. Certaines espèces du clan des argonautes nagent grâce à une vessie natatoire, d’autres sécrètent une petite nacelle qui emprisonne des bulles d’air.

Phragmocône, n. m.

Partie cloisonnée des coquilles de céphalopodes. Externe chez les formes disparues et encore présente chez les nautiles, elle s’est fortement réduite et internalisée chez la plupart des groupes aujourd’hui. Chez la seiche, cette chambre à air minéralisée est devenue le fameux os, ou sépion.

os de seiche salamandre 288
© Björn Wylezich / stock.adobe.com

Grandes oreilles poulpe salamandre 288

C’est l’histoire d’une rencontre entre une femme et un petit poulpe aux airs de Dumbo qui vit dans le secret des abysses.

Il est rose translucide et évolue avec une grâce extraordinaire. Cette rencontre date d’une vingtaine d’années, 1 000 m sous la surface de l’océan, au large des États-Unis. Claire Nouvian, depuis un petit sous-marin, prend alors conscience de l’immense fragilité d’un monde vivant presque inconnu qui se fait racler et écraser par des filets de pêche en eaux profondes. Ce jour-là, une tristesse incroyable l’a submergée. Elle n’a réussi à en parler que bien plus tard. Est alors né en elle le sentiment d’une urgence absolue. Cet instant où ce messager des profondeur croise le regard de Claire Nouvian sera l’instant fondateur de l’ONG Bloom, entièrement dévouée à l’océan et à ceux qui y vivent.

Stauroteuthis comme Grimpoteuthis sont de remarquables représentants de ces poulpes à oreilles. Grimpoteuthis détient le record de profondeur pour un poulpe (- 6 957 m).

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Grimpoteuthis © Ocean Exploration Trust, NOAA, Oregon State University, Thurber
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© Mathieu Génon / Reporterre

Découvrez notre portrait de la militante qui veut changer notre rapport à l’océan, Claire Nouvian, dans notre hors-série Salamandre +n° 4 Métamorphoses, à paraître le 1er septembre 2025.

Metamorphoses Claire Nouvian salamandre 288

Hugo poulpe salamandre 288

Pieuvre ou poulpe ? C’est kif-kif.

Mais si vous employez le mot pieuvre, vous le devez à Victor Hugo. Alors en exil sur l’île de Guernesey, il introduit dans son roman Les Travailleurs de la mer (1866) cette appellation issue du vieux normand. Après une telle mise en lumière, pieuvre supplante le terme de poulpe jusqu’alors communément utilisé.

Dessin de la pieuvre des Travailleurs de la mer, par Victor Hugo lui-même
Dessin de la pieuvre des Travailleurs de la mer, par Victor Hugo lui-même

Extrait :

Pour croire à la pieuvre, il faut l’avoir vue. Comparées à la pieuvre, les vieilles hydres font sourire […].

L’Inconnu dispose du prodige, et il s’en sert pour composer le monstre. Orphée, Homère et Hésiode n’ont pu faire que la Chimère ;

Dieu a fait la Pieuvre.

Quand Dieu veut, il excelle dans l’exécrable.

Le pourquoi de cette volonté est l’effroi du penseur religieux.

Tous les idéals étant admis, si l’épouvante est un but, la pieuvre est un chef-d’œuvre.


Intello poulpe salamandre 288

Ah, difficile d’échapper à la course à l’intelligence ou à la comparaison entre le premier de la classe et le cancre !

Comme si Homo sapiens se sentait concurrencé, il compte les neurones du corbeau, calcule le poids relatif du cerveau du dauphin, s’amuse à mettre un poulpe dans un labyrinthe…

Mais quand elles se débarrassent de l’anthropomorphisme, la neurobiologie et l’étude de la cognition animale sont des disciplines fascinantes et sérieuses. Alors oui, le poulpe et les autres céphalopodes ont développé des capacités remarquables et différentes de celles des vertébrés, dont ils sont séparés dans l’évolution depuis plus d’un demi-milliard d’années ! Sommes-nous les mieux placés pour les comprendre ? Mille articles font monter la mayonnaise sur le sujet. Retenons que les poulpes regardent, touchent, goûtent leur environnement, identifient un problème et le comportement à adopter pour le résoudre. Ils apprennent de leurs expériences et de leurs observations. Par exemple, pour ouvrir un bocal et y capturer un crabe, ils sont capables de s’inspirer d’un tuto pour trouver la solution.

Et l’inverse ? Que savent-ils faire de plus que nous ? Mille choses, mais citons-en une qui illustre leur intelligence du corps. Pourrions-nous évaluer précisément le diamètre d’un trou par lequel passer notre corps, juste en le touchant avec nos bras et nos mains, sans appareil de mesure ni essais préalables ? Le poulpe, oui : avec ses bras-cerveaux, il touche les différents orifices qui lui sont proposés et puis se faufile directement dans celui qui est taillé sur mesure pour lui. Très utile pour se cacher en urgence dans un trou sans se coincer tout en limitant les chances que le prédateur puisse y entrer aussi.

Alors, les bras vous en tombent ?


Jules poulpe salamandre 288
poulpe jules verne salamandre 288

Quel monstre le Capitaine Nemo et l’équipage du Nautilus doivent-ils affronter dans Vingt Mille Lieues sous les mers (1870) ?

La confusion est totale entre les évocations de calamars et de poulpes géants. L’iconographie qui accompagne les innombrables éditions et traductions du célèbre roman d’aventures de Jules Verne est un joli méli-mélo de bras et de tentacules ambigus. La créature tient finalement du monstre légendaire hybride, inspiré du kraken scandinave et démontrant la relative méconnaissance et la mythification des céphalopodes sous--marins à l’époque.

Kraken poulpe salamandre 288
Dessin du kraken par Pierre Dénys de Montfort (1810), d’après les descriptions de marins français qui auraient été attaqués par une telle créature au large des côtes de l’Angola. Même le célèbre naturaliste suédois Carl von Linné a momentanément inscrit le kraken – sous le nom de Microcosmus – dans la première édition de Systema Naturae (1735)

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La tête (kephale) dans les pieds (podos), voilà ce que signifie céphalopode en grec.

Comme on parle généralement de bras, c’est vrai qu’il y a de quoi en perdre son latin ! Ce groupe d’animaux au corps mou fait partie de l’univers des mollusques, tout comme les bivalves et les gastéropodes. Très différents de leurs cousins, huîtres ou limaces, les poulpes sont rangés dans la classe des céphalopodes qui comprend notamment un représentant vieux comme le monde et singulièrement équipé d’une coquille : le nautile. D’autres proches cousins ont dix membres, ce sont les décapodiformes : calamars et seiches. Ne pas confondre ces derniers avec les décapodes, ces crustacés à cinq paires de pattes dont les crabes, écrevisses et autres homards sont d’illustres figures.

Shéma mollusques salamandre 288
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Calamar commun : Décapodiforme à gros yeux, au corps fusiforme doté de nageoires qui se rejoignent à l’extrémité postérieure. Très consommé, il est aussi appelé encornet.

Discopoulpe de Agassiz : Cirrate, ou poulpe à nageoires, appelé également poulpe à oreilles, vivant surtout en profondeur.

Seiche commune : Décapodiforme connu pour son sépion, ou os de seiche, coquille interne poreuse permettant le contrôle de la flottabilité par l’intermédiaire des gaz qu’elle renferme.

Poulpe commun : Octopode typique présent dans les eaux tempérées et tropicales du monde entier.

Nautile : Derniers représentants des nautiloïdes, apparus il y a 450 Ma et qui ont traversé les âges sans grands changements apparents.

© Calmar : Alamy - Seiche : Fourcade.N / stock.adobe.com - Discopoulpe : Alamy - Poulpe : Sakis Lazarides / stock.adobe.com - Nautile : Diveivanov / stock.adobe.com

500 Ma

Ancienneté des céphalopodes, apparus à la fin du Cambrien, soit plus de 250 Ma avant les dinosaures. Citons les ammonites, céphalopodes coléoïdes disparus et ayant laissé de nombreux fossiles bien connus.


poulpe salamandre 288

À part les nautiles, qui peuvent espérer connaître l’âge vénérable de 20 ans après une croissance lente et une maturité sexuelle tardive, les céphalopodes ne cumulent pas les printemps.

Chez les poulpes, et contrairement aux calamars, l’absence de structures solides qui montreraient des marques de croissance rend difficile l’estimation de l’âge des individus. Ce que l’on sait, c’est que la vie des pieuvres s’arrête en réalité après leur unique reproduction. Ainsi, la plupart des petites pieuvres ne vivent que quelques mois et les plus grandes atteignent rarement 5 ans. La croissance est en revanche exceptionnelle, grâce à une débauche d’hormones, et permet aux juvéniles de parfois doubler leur poids chaque semaine.


poulpe salamandre 288

Une sorte de tête à tentacules qui dérive dans l’océan ?

Non, ce n’est pas un poulpe pour autant, ni même un mollusque. Il s’agit d’une méduse, un nom générique pour décrire des animaux gélatineux appartenant au groupe des cnidaires. En d’autres termes, les méduses, même si elles sont libres et non fixées au substrat, comptent parmi leurs proches cousins, en plus des anémones de mer, les coraux ! À vingt mille lieues des céphalopodes.

Méduse salamandre 288
© Paolo / stock.adobe.com

poulpe salamandre 288

Jet-ski

Le corps d’abord, la tête ensuite et enfin les bras… le poulpe nage à reculons, parfois jusqu’à 40 km/h !

Le système tête-piston et coquille-cylindre des ancêtres, encore pratiqué aujourd’hui par le nautile, a laissé place à un procédé plus efficace. Une cavité ventrale, dite palléale, pour accumuler l’eau, compressible grâce à de puissants muscles, un siphon pour concentrer et diriger l’expulsion… et le tour est joué. Mais la méthode est énergivore, et les poulpes de fond rampent ou marchent la plupart du temps.

nage du poulpe salamandre 288
© Franck Bessière

Poulpe oeufs revue salamandre 288

Dans la famille pieuvre, on est plutôt mère poulpe. La plupart des espèces de fond pondent sur le substrat et souvent dans leur gîte. Prenons le cas du poulpe commun. Entre 100 000 et 500 000 œufs, dépourvus de véritable enveloppe protectrice et agglomérés en grappes, sont fixés au plafond de la grotte. La femelle peut prendre un mois pour cette entreprise. Ensuite, elle ventile et surveille tout ce petit monde jusqu’à l’éclosion, sur une durée très variable – entre un et quatre mois –, en fonction de la température de l’eau. Là où l’histoire devient triste, c’est que la génitrice se sacrifie complètement durant cette phase de garde en ne s’alimentant pas. Maman poulpe meurt donc avant la naissance de ses rejetons. Et papa, qui ne s’occupe pas du tout de sa descendance, ne fait pour autant pas de vieux os – enfin si on peut dire…

Mais il existe bien d’autres recettes avec les œufs, dans la maternité des pieuvres et apparentés. Certaines espèces de pleine eau transportent leur trésor dans leurs bras, parfois après avoir fabriqué une sorte de bâton calcaire auquel le fixer. D’autres gardent leurs œufs fécondés dans des conduits internes tels que l’oviducte, ou au sein de la cavité ventrale, ou simplement sous la membrane interbrachiale, cette sorte de jupe qui relie les bras à leur base.

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Poulpe commun femelle surveillant ses grappes d’œufs à 3 m de profondeur dans l’océan Atlantique. / © Paolo / stock.adobe.com

poulpe salamandre 288

Comme les crabes, salamandres et autres lézards, les poulpes ont l’incroyable capacité de faire repousser un membre lorsqu’il est significativement abîmé ou même amputé.

Les cellules dédiées à la création des nouveaux tissus chez ces animaux sont les cellules dites progénitrices. Elles diffèrent selon leur vocation : régénération de muscles, de nerfs ou de peau. Issues des cellules souches, elles sont au repos et possèdent la capacité de se différencier et produire des types cellulaires spécifiques en réponse à de nombreux stimuli comme un accident ou une commande volontaire du cerveau. Très intéressante pour la médecine, cette caractéristique confère à ces cellules un rôle majeur dans les phénomènes de renouvellement et de régénération tissulaire.

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Petit bras de poulpe commun repoussant au niveau d’un membre amputé.

© Chelsea Bennice


poulpe salamandre 288

Un aristocrate qui a du cœur, le poulpe ?

En tout cas, le sang qui parcourt son organisme est indéniablement bleu. Dans un système vasculaire clos très singulier dans le monde des mollusques, le liquide vital circule à travers artères, veines et petits vaisseaux. Sa couleur originale vient du fait que l’hémocyanine qui transporte l’oxygène n’est pas à base de fer comme chez les animaux à sang rouge, mais à base de cuivre.
L’autre caractéristique remarquable du système sanguin de ces céphalopodes : il passe par trois cœurs ! Le premier, dit systémique, est alimenté depuis les branchies, puis la circulation gagne tout le corps avant de revenir par des veines. Le sang qui revient de la tête par la veine céphalique se divise via deux veines caves, direction les cœurs branchiaux.

Les trois cœurs du poulpe :

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Veine cave

Veine cave

Artère aorte

Branchie

Cœur branchial

Cœur branchial

Cœur systémique

© Cyril Girard


poulpe salamandre 288

Quel est le point commun entre un perroquet et un céphalopode, c’est-à-dire entre un vertébré à plumes et un mollusque marin qui ont évolué séparément et n’ont aucun lien de parenté…

Réponse : Le bec ! Proéminent chez le premier, bien caché chez le second, cette pince magique joue le même rôle, à savoir briser ce qui protège leur nourriture préférée. La coque d’un fruit pour le granivore multicolore, la carapace d’une langouste ou d’une moule pour le mollusque multipattes. C’est ce que l’on appelle une convergence évolutive. En d’autres termes, les mêmes causes ou contraintes entraînent les mêmes effets ou solutions. Quant à Homo sapiens, est-il un génie ou un copieur quand il invente le casse-noix et la pince à homard ?

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Ara vert © Roland Seitre

Le bec de perroquet est notamment constitué de kératine, comme nos ongles, et se développe sur une structure osseuse.

BecCalmarHumboldt© HA.com, Wikimedia Commons, Futura_CMYK
© Bec de calamar de Humboldt :  HA.com, Wikimedia Commons, Futura

Le bec de céphalopode est à base de chitine et constitue le seul élément rigide de la bouche, formée de membranes et de muscles. Contrairement au bec de perroquet, la mandibule supérieure, moins proéminente, s’encastre dans la mandibule inférieure.


poulpe salamandre 288

S’agripper, ramper, se battre, se localiser, séduire ou encore se nourrir…

Si les bras sont le moyen, les ventouses des poulpes sont la finalité de cette anatomie hors norme. Munie de milliers de récepteurs sensoriels chimiotactiles, l’une de leurs caractéristiques principales est de toucher pour goûter. Les pieuvres cherchent indéniablement le contact avec leur environnement, et spécialement avec leurs proies potentielles. Lorsqu’elles les rejettent avant même de les avoir consommées, c’est suite à une réaction de dégoût déclenchée immédiatement après les avoir touchées. Au-delà de ce phénomène de sélection par l’aversion, les chercheurs aimeraient savoir si les poulpes peuvent aussi opérer un choix positif, basé sur l’appétit et l’envie de telle ou telle nourriture. En d’autres termes, croquer ce qui suscite un miam, plutôt que manger tout ce qui ne génère pas de beurk

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Les ventouses de pieuvres ont inspiré des scientifiques dans l’invention d’un patch qui adhère à la muqueuse de la bouche pour administrer des médicaments sans passer par la piqûre. / © Jihyun Lee et al., ACS Nano journal, 2024

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Nombre de ventouses que peut arborer chaque bras d’un poulpe commun, le long duquel elles sont typiquement agencées en deux rangées.

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© Getty images / Henrik Soerensen
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L’agilité phénoménale des bras des pieuvres associée aux prouesses de leurs ventouses inspirent la recherche et la haute technologie. Ce biomimétisme associé à l’IA est annoncé comme prometteur en médecine. / © Festo SE & Co. KG

Poulpe xsmall revue salamandre 288

Le plus petit poulpe du monde peut peser moins de 1 g et mesurer à peine 3 cm !

Octopus wolfi vit dans les eaux assez peu profondes du Pacifique -occidental. De l’autre côté de l’échelle, la pieuvre géante du Pacifique est en moyenne 50 000 fois plus lourde. Un individu aux dimensions records a été mesuré à 270 kg et 9 m de longueur, bras y compris.

petit poulpe salamandre 288
© 32ali32 / wikipedia_CC BY-SA 4

poulpe salamandre 288

Pour voir, les poulpes et les vertébrés ont développé indépendamment un système étonnamment proche : une lentille entourée d’une pupille, qui font converger les rayons lumineux vers une rétine qui transmet ensuite l’information au cerveau.

Ne possédant qu’un seul type de pigment photosensible, la pieuvre voit en noir et blanc. Mais cela n’affecte en rien l’importance de la vue chez cet animal qui lui consacre les deux tiers de son cerveau, contre 20 % pour nous.

L’orientation des photorécepteurs vers l’intérieur de l’œil du poulpe permet une polarisation de la lumière. Ce qui pourrait être un avantage pour la détection des proies dans l’eau et la communication entre pieuvres.

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photorécepteur

photorécepteur

poulpe

humain

poulpe salamandre 288

Les poulpes misent décidément sur leurs bras, même pour l’accouplement.

Plus exactement, grâce à la spécialisation de l’un d’entre eux, le troisième à droite, par exemple, chez le mâle du poulpe commun. Ce bras copulateur, ou hectocotyle, est doté d’un conduit au sein duquel voyagent les spermatophores, sacs contenant les spermato-zoïdes. Le poulpe insère l’extrémité de ce membre spécial dans la cavité dite palléale de la femelle pour y déposer sa semence. Cette offrande – pouvant provenir de plusieurs mâles – est stockée avant d’être mobilisée pour féconder les ovules via un trajet par l’oviducte. Pas de câlin donc, et encore moins chez l’argonaute, octopode particulier, dont l’extrémité du membre copulateur se brise dans la femelle et continue de ramper. L’opération lui coûte plus qu’un bras puisqu’il meurt. La première fois qu’il a été observé, les chercheurs l’ont pris pour un ver parasite et l’ont nommé Hectocotylus !

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© Reinhard Dirscherl

Cet article fait partie du dossier

Huit pieds sous les mers

Couverture de La Salamandre n°288

Cet article est extrait de la Revue Salamandre

n° 288  Juin - Juillet 2025, article initialement paru sous le titre "Le poulpe à bras-le-corps"
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