Le poulpe
On répond à vos questions sur le poulpe !
La FAQ sauvage de la Salamandre, c’est l’occasion de nous poser vos questions sur un thème défini…
Cette semaine, c'est le poulpe qui est à l'honneur. Dites-nous ce que vous souhaiteriez apprendre sur cette mystérieuse bestiole sous-marine dotée de... neuf cerveaux. Jean-Philippe Paul, le rédacteur en chef de la Revue Salamandre, vous répondra jusqu'à mercredi prochain ! Il est l'auteur d'un dossier spécial sur cet animal, au sommaire de notre numéro de juin 2025.
Nos experts vous éclairent ! Du 21 mai au 28 mai, posez-nous toutes vos questions en remplissant ce formulaire. Les réponses sont visibles en-dessous dans l'article et peuvent demander un délai de quelques heures.

La FAQ sauvage est ouverte jusqu’au 28 mai 2025
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Le 21 mai 2025 à 2h39
A quelle profondeur vivent les poulpes ?
Le 21 mai 2025 à 16h15Bonjour Marie, concernant le poulpe commun (Octopus vulgaris), qui est le plus répandu et le plus typique du genre, on le trouve essentiellement dès les premiers mètres du rivage et jusqu’à environ 150 m de fond, avec une densité d’individus qui diminue avec la profondeur.
Il vit sur le fond (on dit qu’il est benthique) et affectionne particulièrement les rochers. Mais le monde des octopodes est très varié et certaines espèces vivent en pleine eau, jusque dans les abysses. Le record de profondeur est détenu par un poulpe « à oreilles » (Grimpoteuthis) qui a été observé à – 6957 m !
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Le 21 mai 2025 à 4h29
J'ai vu qu'un poulpe ressentait de la douleur via des nerfs. Ressentirait-il des émotions ?
Le 21 mai 2025 à 17h40Bonjour Clara, intelligence et émotions sont des notions très complexes à décrire. Surtout, il est parfois tentant de comparer les espèces entre elles et notamment de comparer les animaux à nous. Alors, avec son gros cerveau, ou plutôt ses neuf cerveaux (si l’on considère les huit centres délocalisés dans chacun des bras) et un nombre de neurones presque équivalent à ce que l’on observe chez le chat, les scientifiques s’accordent pour dire que le poulpe a une grande sensibilité.
Certains parlent même de personnalité. Une chose est sûre, leur « intelligence » et leur « sensibilité » ont évolué totalement indépendamment des nôtres depuis très longtemps. Difficile de dire si elles sont plus ou moins importantes que chez tel ou tel vertébré, mais elles sont très anciennes et très différentes. Beaucoup reste à découvrir. Je vous conseille le livre Le prince des profondeurs de Peter Godfrey-Smith à ce sujet…
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Le 21 mai 2025 à 4h53
Quelle est la taille des poulpes ?
Le 21 mai 2025 à 05h26Bonjour Marie, avec leur corps tout mou qui peut se déformer presque à volonté, tout dépend de ce que l’on mesure ! Le plus petit poulpe du monde (Octopus wolfi) mesure à peine 3 cm et pèse environ 1 gramme. À l’autre extrême, la pieuvre géante du Pacifique peut peser plusieurs dizaines de kilos (record 270 kg) et plusieurs mètres (record 9 m, tête + bras allongés). Le poulpe commun pèse en moyenne 3 kg pour 60 cm, mais certains individus doublent ces mensurations.
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Le 21 mai 2025 à 5h14
quelles sont les différences entre pieuvre et poulpe ? Merci !
Le 21 mai 2025 à 17h30Bonjour Antoinette Aurélie, aucune différence entre pieuvre et poulpe ! Mais si vous employez le mot pieuvre, vous le devez à Victor Hugo. Alors en exil sur l’île de Guernesey, il introduit dans son roman Les Travailleurs de la mer (1866) cette appellation issue du vieux normand. Après une telle mise en lumière, pieuvre supplante le terme de poulpe jusqu’alors communément utilisé…
Un poulpe commun.
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Le 21 mai 2025 à 6h02
Pourquoi et comment les poulpes produisent leur encre ? A partir de quoi est-elle fabriquée?
Le 22 mai 2025 à 08h36Bonjour Eliott, le poulpe est passé maître dans l’art de l’illusion et du détournement d’attention. En plus de sa capacité à se camoufler en changeant la couleur et la texture de sa peau, il peut libérer de l’encre sombre dans l’eau pour attirer l’attention du prédateur sur la forme (généralement grande et mouvante) que dessine le nuage.
L’encre est libérée par un organe (la poche du noir) constitué d’une glande qui produit un pigment noir (mélanine). L’expulsion se fait depuis une réserve de stockage, via l’intestin puis le siphon, une sorte d’entonnoir situé sur le côté de la tête…
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Le 21 mai 2025 à 6h22
On dit que le poulpe est très intelligent. Est-ce vrai?
Le 22 mai 2025 à 08h45Bonjour Line, le poulpe et les autres céphalopodes ont développé des capacités remarquables et différentes de celles des vertébrés, dont ils sont séparés dans l’évolution depuis plus d’un demi-milliard d’années ! Il ne s’agit pas d’une « intelligence » archaïque, ancienne ou moins développée que la nôtre, mais d’une « intelligence » différente. La comparer à la nôtre serait probablement faire fausse route, et beaucoup de choses restent à découvrir.
Un poulpe de récif commun
Les poulpes regardent, touchent, goûtent leur environnement, identifient un problème et le comportement à adopter pour le résoudre. Ils apprennent de leurs expériences et de leurs observations. Par exemple, pour ouvrir un bocal et y capturer un crabe, ils sont capables de s’inspirer d’un tuto pour trouver la solution. Et l’inverse ? Que savent-ils faire de plus que nous ? Mille choses, mais citons-en une qui illustre leur intelligence du corps. Rappelons que 60% des cinq cents millions de neurones du poulpe commun se trouvent dans ses membres !
Pourrions-nous évaluer précisément le diamètre d’un trou par lequel passer notre corps, juste en le touchant avec nos bras et nos mains, sans appareil de mesure ni essais préalables ? Le poulpe, oui : avec ses bras-cerveaux, il touche les différents orifices qui lui sont proposés et puis se faufile directement dans celui qui est taillé sur mesure pour lui. Très utile pour se cacher en urgence dans un trou sans rester coincé tout en limitant les chances que le prédateur puisse y entrer aussi.
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Le 21 mai 2025 à 9h18
Quel sera l’impact de l’arrivée des poulpes sur les côtes bretonnes due au réchauffement de l’océan?
Le 22 mai 2025 à 14h50Bonjour Pascale, le poulpe commun progresse en effet vers la Manche depuis quelques années. Mais contrairement à ce que l’on peut lire ici ou là, ce n’est pas une apparition car l’espèce était autrefois présente en Normandie et dans le nord de la France. Les hivers très rigoureux 1956-57 et 1962-63 auraient contribué à le faire régresser vers le sud.
Le poulpe commun est donc naturellement présent en Bretagne. Les « proliférations » signalées ces dernières années défraient la chronique car elles inquiètent les pêcheurs, même si le poulpe se commercialise aussi. Prédateur de bivalves comme la coquille Saint-Jacques, son arrivée est vue d’un mauvais oeil. Tout cela est compréhensible. Les causes peuvent être un réchauffement des eaux et une disparition des poissons prédateurs et concurrents des poulpes (à cause de la surpêche de la part des humains) qui laissent le champ libre au céphalopode.
Néanmoins, les poulpes sont présents dans toutes les mers du monde depuis des centaines de millions d’années et n’ont pas empêché la diversification et la multiplication des poissons, crustacés et bivalves. En revanche, le changement climatique brutal, l’acidification des océans, la possible modification des courants et la surpêche bousculent actuellement tous les équilibres dans les écosystèmes océaniques, dont les eaux bretonnes. Difficile de prévoir les conséquences tant elles seront nombreuses et imbriquées, touchant toutes les formes de vie. Certaines profiteront, d’autres souffriront et la complexité des innombrables interactions entre espèces évoluera. Retenons pour l’instant que le poulpe commun a déjà occupé la Manche dans un passé récent et que ce n’est pas une apparition.
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Le 21 mai 2025 à 10h36
Si le poulpe a huit tentacules, a-t-il autant de testicules? Plus sérieusement comment se reproduit-il ?
Le 22 mai 2025 à 08h55Bonjour Eléonore, alors le poulpe n’a pas huit tentacules, mais huit membres plutôt appelés « bras », même si « octopode », en grec, signifie « huit pieds » 🙂 Ce sont les calamars et les seiches, autres mollusques céphalopodes, qui ont huit bras + 2 tentacules…
Mais votre question tombe juste, car pour se reproduire, le poulpe utilise l’un de ses bras, le troisième à droite chez le mâle du poulpe commun. Ce bras copulateur, ou « hectocotyle », est doté d’un conduit au sein duquel voyagent les spermatophores, sacs contenant les spermatozoïdes. Le poulpe insère l’extrémité de ce membre spécial dans la cavité dite « palléale » de la femelle pour y déposer sa semence. Cette offrande – pouvant provenir de plusieurs mâles – est stockée avant d’être mobilisée pour féconder les ovules via un trajet par l’oviducte.
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Le 21 mai 2025 à 10h41
Bonjour, est-ce que le poulpe émet des sons ou quelque chose du genre ? Comment communiquent-ils entre eux ?
Le 22 mai 2025 à 14h51Bonjour Nadja, les sens mobilisés en premier lieu pour communiquer sont la vue et le toucher qui sont très développés. Les mouvements, changements de forme et les extraordinaires (et rapides) variations de motifs et de texture de la peau sont faits pour être vus. Tout comme les jets d’encre. Car les yeux du poulpe, même s’ils voient en noir et blanc, sont très importants : ils mobilisent les deux tiers du cerveau central.
Les poulpes n’émettent pas de sons, mais les scientifiques ont pu documenter un bruit sec de coup de feu produit par un individu harcelé par des poissons. Ce son aurait été la conséquence d’une contraction soudaine du manteau de l’animal, générant par ailleurs de nombreuses bulles dans l’eau. Ce phénomène resterait exceptionnel et en dernier recours, car il mobiliserait beaucoup d’énergie pour l’animal.
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Le 22 mai 2025 à 3h37
Comment se fait la coordination entre les 9 cerveaux ?? si 2 ou plusieurs cerveaux ont des interprétations différentes de l'environnement, par exemple d'un danger??
LeBonjour Georges, c’est bien sur ce point qu’il est difficile pour l’intelligence humaine (donc nous) de se faire une idée de ce que cela peut impliquer. J’ai envie d’emblée de citer l’auteur du Prince des profondeurs, Peter Godfrey-Smith, philosophe des sciences fasciné par le poulpe… : « certaines études comportementales donnent l’impression que les poulpes ne savent pas toujours où se trouvent leurs bras, que ceux-ci semblent curieusement divorcés du cerveau, du moins pour ce qui est du contrôle des mouvements de base ». Ce même auteur nous invite à penser différemment et à sortir de la dualité corps-cerveau. Où commence le cerveau, où s’arrête-t-il ? Question inspirante, réponse pas évidente.
Un poulpe tacheté
Concernant votre question, il semble que la réponse réside dans un équilibre fin entre autonomie des membres et coordination de l’ensemble via un réseau nerveux. L’autonomie permet à chaque bras (voire à chaque ventouse puisque le cordon nerveux axial qui répartit les neurones dans chaque bras est lui-même segmenté pour affiner à l’extrême les mouvements et la sensibilité) d’accomplir des tâches « chacun dans son coin » et le cerveau central prend le contrôle de la coordination quand cela est nécessaire.
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Le 22 mai 2025 à 5h23
A quoi servent toutes les tentacules du poulpe?
Le 22 mai 2025 à 19h39Bonjour Eliott, le poulpe ne possède pas de tentacules. En réalité, il s’agit de membres plus apparentés à des bras (ou pieds si l’on se fie au grec octopodes = huit pieds). A l’origine, les céphalopodes ont une couronne de dix appendices. Les calamars et seiches (décapodiformes) ont gardé huit bras + 2 tentacules, tandis que les poulpes (octopodes) en ont perdu deux avec l’évolution et possèdent huit membres couverts de ventouses sur l’ensemble de leur face inférieure. Ces bras sont indispensables au déplacement (sorte de marche sur le fond ou les rochers qui complète la nage par propulsion), à la fixation sur les rochers et surtout à la lecture de leur environnement.
Ultrasensibles grâce à la délocalisation de neurones et de terminaisons nerveuses jusqu’aux ventouses, les bras servent au toucher et… au goût. Imaginons-nous avec des langues à la place des doigts… 🙂 Les bras servent aussi à capturer et manipuler les proies pour les amener à la bouche. Enfin, il y a même un bras spécialisé, l’hectocotyle, qui sert à la copulation !
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Le 23 mai 2025 à 12h28
Est-ce que tous les poulpes ne vivent qu'une année et y a-t-il des poulpes sociaux ?
Le 23 mai 2025 à 08h58Bonjour Anne, chez les poulpes, et contrairement aux calamars, l’absence de structures solides, qui montreraient des marques de croissance, rend difficile l’estimation de l’âge des individus. Ce que l’on sait, c’est que la vie des pieuvres s’arrête en réalité après leur unique reproduction. Ainsi, la plupart des petites pieuvres ne vivent que quelques mois et les plus grandes atteignent rarement 5 ans.
Dans leur très grande majorité, les poulpes sont des animaux solitaires, seuls dans leur gîte à plusieurs mètres de tout autre individu. Une espèce du Pacifique a cependant défrayé la chronique il y a quelques années en bouleversant les certitudes. Cette espèce a été observée vivant à plusieurs dans la même cavité, s’accouplant avec beaucoup plus de contacts physiques et survivant plus longtemps après la reproduction. L’exception qui confirme la règle ?
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Le 24 mai 2025 à 4h02
Peut on distinguer un poulpe d'un autre ? Couleur, caractère ou morphologie..
Le 23 mai 2025 à 07h17Bonjour Muriel, on peut distinguer les espèces de poulpes entre elles. Mais concernant la distinction entre individus d’une même espèce, la tâche est plus compliquée. Côté couleur, elle est tellement changeante en permanence, que cela paraît mission impossible. Côté morphologie et forme, ce n’est guère plus aisé puisqu’ils s’étirent, se gonflent, s’aplatissent, se recroquevillent sans cesse dans leur vie quotidienne pour se déplacer, chasser, se cacher… Une blessure sur la peau ou un accident qui ampute un bras pourrait permettre de reconnaître un individu parmi d’autres.
Côté caractère, certains chercheurs et plongeurs qui connaissent bien une zone où évoluent des poulpes et qui les rencontrent très souvent évoquent parfois l’idée que ces animaux ont une personnalité propre identifiable. Mais pour être capable de reconnaître un poulpe particulier dans une population à son comportement ou à ses réactions singulières, il faut cumuler les heures d’observation !