Vent d’hiver entre dune et lagune
Sous le trône d'une montagne de sable, le bassin d'Arcachon s'offre à l'océan. Comme une plaie béante dans la Côte d'Argent, cette terre de contrastes se visite hors saison.
Sous le trône d'une montagne de sable, le bassin d'Arcachon s'offre à l'océan. Comme une plaie béante dans la Côte d'Argent, cette terre de contrastes se visite hors saison.
Février, le vent d'ouest s'est renforcé sur les Landes de Gascogne. L'ascension de la dune du Pilat prend une tournure épique. Le sable propulsé s'infiltre partout et fouette l’œil. Au sommet, la révélation d'un panorama à couper le souffle, mais impossible de se tenir debout. Océan déchaîné, banc d'Arguin naufragé, plages désertes et là, juste au nord, l'imposante lagune du bassin d'Arcachon. Au sens propre, comme au figuré, on en prend plein les yeux !
Au-delà de Pilat
Longue de 2,7 km du nord au sud, la plus haute dune d'Europe domine la forêt landaise et l'océan d'environ 110 mètres. Lors des grises journées d'hiver, on peut se retrouver seul dans ce monde à part. Le dépaysement suffit au plaisir contemplatif. Mais rien n'empêche de jouer à cache-cache avec les oiseaux qui s'abritent au milieu des oyats, ces graminées qui fixent la dune avec leurs profonds rhizomes. C’est l'occasion de découvrir des bécasseaux sanderling en pleine sieste ou des bruants des neiges venus de l'Arctique pour une villégiature tempérée.
Sur le piémont ouest de cet Everest de sable, il y a la plage. Les salissures noirâtres qui la ponctuent et la strient sont des fossiles de paléosols : de la tourbe issue des forêts de pins sylvestres et de bouleaux. Une histoire naturelle datant de plus de 3000 ans mais qui rappelle ironiquement les blessures des marées noires et des dégazages.
Tour de bassin
De la dune du Pilat au cap Ferret, environ 65 km de rivage, un monde. De nombreux petits ports ostréicoles alternent avec des stations balnéaires huppées, des marais salants et des plages convoitées à la belle saison. Le bassin d'Arcachon est victime de son succès : l'urbanisation et la plaisance continuent de le gangrener sur terre comme sur l'eau. En intersaison, la frénésie touristique s'apaise et laisse renaître des lumières, des odeurs et des ambiances encore authentiques. Les cris flûtés des courlis et des grands gravelots succèdent au bruit des moteurs de jet-skis. Mouettes rieuses, mélanocéphales et goélands de toutes espèces se réapproprient les plages. Mais le grand spectacle du bassin nous vient tout droit de Sibérie. Environ 50'000 bernaches cravants
(> encadré)
hivernent dans les parties abritées de la grande lagune gascogne.
Entre deux dégustations de fruits de mer, le curieux de nature ne devrait pas manquer de visiter la réserve ornithologique du Teich, près du delta de l'Eyre et le domaine de Certes-Graveyron juste en face. En fin de journée, l'esprit s'évade complètement sur les plages désertes du cap Ferret, face au ciel chaud qui s'effondre dans l'océan hivernal.
Touristes sibériennes
Entre octobre et mars, de lointaines visiteuses colonisent le bassin d'Arcachon. Le quart de la population mondiale de bernaches cravants vient passer l'hiver ici. Elles sont entre 40'000 et 60'000 à choisir ce site, le plus méridional connu pour l'espèce. Elles restent souvent en famille et se nourrissent dans les herbiers de zostères à marée descendante, dès que les plantes sont accessibles. Elles consomment aussi des algues entéromorphes et des laitues de mer. On les accuse parfois de faire concurrence aux canards siffleurs, de faire trop de bruit, voire de dévaster la végétation aquatique. Heureusement, une étude sérieuse les a blanchies de ce dernier grief en 2011.
Ailleurs dans la région par Frank Jouandoudet
Né en Gironde en 1965, Frank Jouandoudet a grandi aux abords du bassin d'Arcachon et dans la forêt des Landes. Passionné de nature, d'images et de littérature, il est enseignant agrégé de lettres classiques. Son engagement pour la connaissance et la conservation de la nature du bassin est reconnu. Il participe à des comptages ornithologiques ou à l’organisation du festival Bernache. Administrateur ou membre actif de plusieurs associations locales comme la SEPANSO et la LPO Aquitaine, il est aussi l’auteur de plusieurs ouvrages sur les orchidées sauvages et les fleurs messicoles. En 2013, on lui doit l' Almanach nature du Bassin d'Arcachon.
A) Réserve ornithologique du Teich « Ouverture 10h-18h en hiver, entrée payante. Il vaut mieux s’y rendre quelques heures avant la marée haute pour profiter du spectacle des milliers de limicoles qui s’y rassemblent, barges à queue noire, avocettes, bécasseaux, chevaliers, courlis ou pluviers rejoignent les nombreux ardéidés et anatidés hivernants. Des stages d’initiation à l’ornithologie sont régulièrement organisés par l’équipe de la réserve. »
B) Pilat-Arguin « La dune du Pilat est accessible soit par le parking payant soit par la plage de la Corniche au nord, ou celle du Petit Nice au sud. Attention aux marées hautes de fort coefficient, la plage se réduit jusqu’à parfois disparaître. Les oiseaux peuvent être nombreux dans la passe sud, ce bras de mer qui sépare le banc d’Arguin du rivage. Grèbes huppés et à cou noir, harles huppés ou plongeons imbrins viennent y pêcher. Après les coups de vent, phalaropes à bec large et alcidés s’y abritent. Au pied de la dune, des archéologues ont découvert des traces d’anciens fours à sel de l’époque gauloise. »
C) Domaines de Certes et du Graveyron « Ces domaines sont un vaste ensemble d'anciens marais salants, reconvertis en réservoirs à poissons, exploités à ce jour par un pêcheur professionnel qui y pose ses trappes à crevettes et anguilles. Les points de vue sur le bassin en bout de digue permettent d'observer toute l'avifaune du bassin, notamment bernaches et tadornes en hiver. C'est un des derniers sites de France à héberger le vison d'Europe .»
D) Saint-Brice les Quinconces « Cette propriété du Conservatoire du littoral est accessible soit par Arès, soit par le petit port ostréicole d'Andernos. Ne manquez pas alors de jeter un œil sur l’ancien Aérium, inoccupé, mais beau vestige de l’architecture du bassin. Privilégiez les marées montantes où les oiseaux se rapprochent des rivages. »
E) Réserve naturelle d'Arès-Lège « S'adresser à l'office de tourisme d'Arès ou à l'association Cap Termer, basée à la Cabane du résinier le long de la D 105. La réserve est traversée par le sentier du littoral dont il ne faut pas s'écarter, et qui donne de beaux points de vue sur les prés salés, les dunes, les roselières ou les réservoirs à poissons. »
F) Cap Ferret « La pointe du cap Ferret offre un des plus beaux panoramas sur la dune du Pilat qui lui fait face. A l'automne, des centaines de milliers d'oiseaux migrateurs la survolent, hélas attendus par de nombreux chasseurs. L'hiver venu, les bécasseaux sanderling trottent entre les pieds des promeneurs à la recherche de leur pitance. Monter au phare permet d'avoir une vue unique sur le bassin d'Arcachon et le littoral. »
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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