Vivre avec l’ours dans les montagnes des Asturies

Découvrez la cohabitation entre les humains et les ours dans les montagnes des Asturies, en Espagne. Puis, admirez d'incroyables images d'ours.

Découvrez la cohabitation entre les humains et les ours dans les montagnes des Asturies, en Espagne. Puis, admirez d'incroyables images d'ours.

Une fois n'est pas coutume, Julien Perrot vous donne rendez-vous en Espagne, dans les Asturies. Trois jours de voyage pour rejoindre des montagnes où vivent des ours. Des plantigrades, mais aussi des humains. Ici, il y a des villages, des randonneurs un peu partout dans la montagne, de l'élevage et les ours qui sont un peu devenus un business touristique.

Julien est là pour relever deux défis :comprendre comment se passe la cohabitation entre les ours et les humains et évidemment essayer d'observer les ours.

Julien rejoint sur place un guide expérimenté. Pierre Boutonnet vit dans les Asturies depuis plusieurs années où il piste l'ours. Pierre détaille le programme. "Demain matin, dès le lever du jour, on se placera sur un endroit stratégique où j'espère bien qu'on pourra surprendre l'ours au petit matin."

Pierre Boutonnet, vivre avec les ours

Pierre, tu connais cette région depuis une vingtaine d'années, tu la parcours totalement pour les ours, tu t'es même installé ici avec femme et enfant il y a neuf ans. Ça ne te fait pas peur de vivre si près d'un grand prédateur ?

Pas du tout. C'est plutôt nous qu'il est dérangeant que l'inverse.

Donc concrètement, vous avez régulièrement des ours qui passent près de la maison, de vos brebis et de vos ruches ?

C'est ça, on a des activités agricoles autour et on a plusieurs ours qui vivent autour de la maison et qu'on voit régulièrement passer sur le terrain ou dans les montagnes alentour.

Et ça ne fait pas peur ?

Au contraire, ça me plaît.

Mais si je me retrouve face à face avec un ours. C'est tout de même dangereux.

Pas du tout. Je peux te le dire tranquillement. On est en Europe occidentale, on a affaire à des ours qui sont très craintifs, très timides. On n'est pas en Amérique du Nord. Ça, ce serait une autre histoire. Mais, chez nous, on est vraiment sur un risque minimum.

Autrefois il y avait des ours dans toute l'Europe. Ils ont petit à petit été complètement liquidés en Suisse, le dernier a été tué en 1904. En France, ils ont aussi petit à petit été exterminés. Il en est resté tout un petit noyau dans les Pyrénées, qui a failli disparaître et qui a été sauvé de justesse dans cette région, il n'en restait presque plus il y a trente ans et maintenant il y en a près de 400 dans ces montagnes. Donc qu'est-ce qui s'est passé là ?

C'est une belle histoire parce que l'ours suivait le même chemin qu'en Suisse ou en France. Et puis, dans les années 90, quand il est resté, comme tu dis, un petit noyau, tout le monde s'est mis à prendre conscience de la nécessité de le protéger l'administration, les chasseurs, les éleveurs, les naturalistes, les ONG.

Il y a eu un gros effort de pédagogie, un gros effort anti-braconnage et c'est un petit miracle. Les effectifs sont remontés pour maintenant atteindre près de 400 individus. Donc c'est une belle histoire et ça montre que c'est possible.

L'ours vit vraiment dans une montagne humanisée. Alors bon, heureusement, il reste un peu de la place pour le sauvage parce que c'est très escarpé. Mais c'est aussi un bel exemple de cohabitation entre l'ours et l'homme dans un lieu qui est quand même assez humanisé avec toutes les activités humaines dont tu viens de parler. Donc c'est ça qui rend la chose encore plus belle.

Et avec les éleveurs, il n'y a pas trop de soucis ?

Non, parce qu'on a peu d'élevages ovins dans la vallée. Dans nos vallées, on a plutôt de l'élevage bovin et équin. Et sur les grands animaux, l'ours a moins d'impact et fais moins de dégâts. Il est donc mieux toléré.

Et puis les éleveurs ont toujours gardé la culture de l'ours, la culture du prédateur. Donc ils sont habitués et préparés.

C'est peut-être une des raisons pour lesquelles ça se passe mieux ici que dans les Pyrénées où il y a beaucoup de moutons.

C'est une des raisons principales. Ce n'est pas la seule. Il y a aussi une culture antinature qui est très forte en France pour tout un tas de raisons qui seraient trop longues à développer, qui n'est pas présente en Espagne. Moi je le ressens comme ça, donc il y a une meilleure acceptation d'une nature forte et sauvage en Espagne qu'en France.

Dans mon pays, la Suisse, il y a des ours qui arrivent, qui pointent le bout de leur nez. Dans les Alpes, dans les Grisons, ça suscite beaucoup de peurs dans la population. Il y a vraiment une croyance que ce n'est pas possible aujourd'hui dans un pays comme la Suisse de cohabiter avec les ours, que c'est trop dangereux pour la population. Qu'est-ce que tu en penses vraiment ?

Le danger est très très faible en Europe occidentale. Il y a vraiment la possibilité de cohabitation entre l'humain et l'ours. Il faut beaucoup de pédagogie pour l'expliquer. On en a des exemples ici. Donc j'ai envie d'y croire.

Je pense à cet exemple malheureux qu'on a eu récemment, dans le nord de l'Italie, ce jogger qui s'est fait tuer par un ours.

Là, on est sur un cas exceptionnel. Alors évidemment, c'est très triste, ce n'est jamais bon, mais c'était la première fois, il n'y a même pas de statistiques. Il ne faut pas se baser là-dessus. Pourtant amoureux des ours, je suis prêt à reconnaître que certains individus à problème en Europe occidentale peuvent être neutralisés. Mais d'une manière générale, il n'y a pas de risque.

Donc je peux continuer à explorer ces belles montagnes avec toi. J'espère tranquille, en sécurité ?

Oui, et on peut peut-être rêvé qu'un jour les ours étendront leur revienne en territoire suisse. Il y a de la place pour eux. Je suis sûr qu'il y a de la place pour une population viable dans les Alpes suisses, frontalières françaises, italiennes.

À la recherche de l'ours

Les deux naturalistes avancent sur un petit sentier entre bocage et forêt. "On se rapproche du vu du point de vue où on va faire notre affût. Ce qui est fou, c'est de se dire qu'on pourrait rencontrer un ours ici, à n'importe quel moment. Ils sont là pour une empreinte sur une grotte. C'est beau de partager une expérience aussi forte avec vous." Témoigne Julien.

Pierre détaille le panorama. "Ici, c'est un point de vue assez stratégique parce qu'on domine toute la vallée et le lac. On va s'installer là, on aura une vue sur les barres rocheuses qui sont actuellement un endroit très prisé des ours. On est début septembre, donc ils ont besoin de faire leurs réserves pour l'hiver qui arrive.Ils sont hyperphagie, comme on dit. Et ici, c'est un bon coin parce qu'il y a des noisettes, des noix, des châtaignes, des glands, des pommes, bref tout ce que l'ours a besoin de manger pour passer l'hiver.

Contrairement à une idée répandue, l'ours n'hiberne pas, il hiverne. Il se met simplement au ralenti et sort régulièrement de sa tanière. C'est encore plus vrai dans les Asturies qui sont des montagnes tempérées.

Julien et Pierre sortent leurs jumelles pour scruter la barre rocheuse à la recherche d'animaux. La longue-vue est prête si jamais un ours arrive.

Mais ce sont pour l'instant des cerfs qui se laissent observer.

L'ours et les cervidés se laissent tranquilles ici. Pierre précise : "En fait, l'ours n'est pas vraiment un chasseur de cervidés, il a un côté opportuniste qui lui fait manger de la viande. Mais il est végétarien à 85 %. Il mange surtout des carcasses et des insectes."

Le lendemain, les deux compères continuent leur quête.

"Ce matin, on va monter sur un versant très raide et escarpé pour essayer d'observer de l'autre côté. Ici, c'est une zone de tanière. Cette grande paroi, elle abrite le territoire de reproduction d'une femelle qui a eu trois oursons ce printemps." Malgré l'espoir de Pierre, seuls quelques vautours et un isard cantabriques seront présents à ce deuxième affût.

Finalement, Julien revient sur sa troisième journée d'affût.

"C'était vraiment complètement fou cette soirée. J'ai passé plus de 2 h avec les ours. La femelle avec son ourson était au sommet de la montagne. Ils ont fait un immense périple à travers toute la paroi, manger des noisettes, franchir des pas rocheuses, grimper, descendre.

Puis, tout à coup, j'ai vu le mâle.

Il était un peu plus grand et noir. Il est descendu, puis a commencé à renifler. Il a suivi la trace de la femelle et du petit. Là, j'étais toujours stressé pour la femelle. Souvent, les ours mâles tuent les oursons pour déclencher de nouvelles chaleurs à la femelle.

La femelle était inquiète. Elle a regardé le grand mâle et a accéléré.

Elle a commencé à monter avec l'ourson qui avait de la peine à la suivre. Et puis le mâle, avec un temps de retard et les a aussi suivis de près.

Tout ça, ça s'est passé juste en face de moi. Et puis, finalement, finalement, le mâle a lâché la piste.

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La Minute Nature

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