Bestiaire des cavernes: sélection de 10 animaux emblématiques
De l'omniprésent cheval au beaucoup plus étonnant grand pingouin, du terrifiant lion des cavernes au sanglier à huit pattes: découvrez le bestiaire des cavernes en 10 espèces, emblématiques, surprenantes ou les deux!
De l'omniprésent cheval au beaucoup plus étonnant grand pingouin, du terrifiant lion des cavernes au sanglier à huit pattes: découvrez le bestiaire des cavernes en 10 espèces, emblématiques, surprenantes ou les deux!
Il y a ceux que l'on voit beaucoup: le cheval ou le bison, omniprésents à Lascaux, Niaux ou Altamira. Il y a aussi ceux que l'on voit moins, comme le rare phoque moine de Cosquer ou le renne, dont un seul spécimen serait visible à Lascaux. Tous ont un point commun: ils ont été peints, à une ou de très nombreuses reprises, sur les grottes habitées par nos ancêtres préhistoriques. Voici une sélection de 10 espèces marquantes de l'art pariétal, sans promesse d'exhaustivité, mais avec garantie de surprise !
Cheval sauvage « préhistorique », qui es-tu ?
Avec près d’un tiers des œuvres pariétales animalières qui lui sont consacrées sur toute la période du Paléolithique supérieur, le cheval est sans conteste une figure emblématique. Les spécialistes relèvent la qualité graphique avec laquelle il est généralement représenté, tant au niveau des attitudes que des subtilités anatomiques, suggérant déjà une proximité singulière entre les humains préhistoriques et le cheval. Mais de quel cheval parle-t-on exactement ? D’un ensemble de lignées de Equus ferus, des chevaux sauvages aujourd’hui disparus. Le rôle joué par les changements climatiques majeurs et l’activité humaine dans l’extinction des derniers équidés sauvages européens à la fin du dernier âge glaciaire n’est pas clairement compris. Les croisements avec les premiers chevaux domestiques, parfois suivis de retour à l’état sauvage, entretiennent les discussions sur l’histoire et l’identité des tarpans (Europe) et des chevaux de Przewalski (Asie).
À noter: Le cheval domestique moderne est originaire des steppes pontiques, au nord du Caucase, où il a été domestiqué il y a 4 000 ans. Il va s’étendre ensuite au-delà de sa région d’origine et remplacer, en quelques siècles à peine, toutes les populations de chevaux sauvages de l’Atlantique à la Mongolie. Un succès expliqué par un comportement plus docile et une colonne vertébrale plus solide. Deux atouts répondant à une demande grandissante pour des déplacements à cheval.
L'Auroch, l'ancêtre de la vache
Icône de l’art pariétal, l’aurochs a été beaucoup chassé au Paléolithique par les Néandertaliens puis par les humains modernes. Le bovidé pouvait atteindre 1,8 m au garrot et peser 1 t. Il vivait en troupeau entre forêts, clairières et prairies. Cette vache primitive joue un rôle fondamental à la toute fin du Paléolithique supérieur. D’animal sauvage peint sur les parois des grottes d’Europe, elle devient l’objet d’une domestication à grande échelle qui aurait débuté il y a 10 000 ans au Proche-Orient. Au XIIIe siècle, la forme sauvage n’existe plus qu’en Europe de l’Est, où elle s’éteindra 400 ans plus tard.
À noter: Des tentatives de reconstitution de l’aurochs ont débuté dans les années 1920 et 1930 par les frères Heck, en Allemagne. Depuis, celui qu’on appelle aurochs de Heck ou néo-aurochs fait l’objet de croisements divers afin de s’approcher toujours plus de l’aspect que l’on imagine être celui de l’animal disparu. Il est utilisé en agriculture, pour l’entretien de milieux naturels, ou présenté dans des parcs.
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Le bison des steppes, 1,5 m de cornes
Impossible d’évoquer le bison des steppes sans s’égarer dans les méandres évolutifs de la famille. Bison (ou Bos) priscus, de son petit nom scientifique, occupait les prairies d’Europe et de Russie actuelles depuis 900 000 ans environ. 2 m au garrot, 1 t sur la balance et une envergure de cornes atteignant 1,5 m ! Pas de doute, il était d’un gabarit supérieur aux bisons actuels. Il se serait éteint à la fin du Paléolithique supérieur, il y a environ 9 000 ans, voire 3 000 ans d’après un fossile retrouvé vers Saint-Pétersbourg.
Mais il y a quelques années, l’ADN a parlé et a mis au jour des mœurs étonnantes entre le bison et l’aurochs. Les deux cornus se seraient hybridés, donnant une descendance fertile puis, il y a 120 000 ans, une nouvelle espèce : le bison d’Europe ! Cette découverte, encore discutée, expliquerait un mystère aussi vieux que l’étude de l’art pariétal. L’animal représente une bête figurée sur cinq dans les grottes, mais il est illustré avec deux types de faciès : grandes cornes et bosse saillante pour le bison des steppes, cornes et bosse réduites pour l’européen. Les artistes avaient peut-être deux espèces sous les yeux ! Et le bison d’Amérique ? Outre-Atlantique, pas d’aventure avec l’aurochs, le buffalo est le descendant direct du bison des steppes.
À noter: Le génome mitochondrial complet du bison des steppes a été décrit en 2015 à partir d’un fragment osseux provenant de la grotte des Trois-Frères (Ariège) et datant de 19 000 ans.
Le bouquetin ibérique, origines obscures
Clairement identifiable à Niaux grâce aux dessins de cornes légèrement en forme de lyres, le bouquetin ibérique est caractéristique du genre en Espagne et de part et d’autre des Pyrénées. Pourtant, l’histoire paléolithique des capridés est complexe et trois espèces sont parfois mentionnées dans le sud-ouest de l’Europe à cette époque. Le bouquetin des Alpes existe alors à des altitudes plus basses qu’aujourd’hui et a été identifié jusque dans la région de l’actuelle Bordeaux. Il serait l’espèce majoritaire dans l’art pariétal. Le bouquetin du Caucase est cité dans certaines sources comme ayant atteint les Pyrénées via la vallée du Rhône et le Languedoc et pouvant être à l’origine de la spéciation du bouquetin ibérique, hypothèse plutôt contestée récemment.
À noter: Depuis 2014, le bouquetin des Pyrénées est réintroduit dans le massif suite à sa disparition en 1910. Aujourd’hui, la population atteint 600 individus dans le parc national auxquels s’ajoutent 300 individus dans les Pyrénées ariégeoises.
Le lion des cavernes, terreur des steppes
Figure emblématique de Chauvet, le lion des cavernes est le seul prédateur à être illustré en si grand nombre. La grotte ardéchoise compte 75 félins, soit la moitié de toutes les représentations connues de cette espèce dans l’art pariétal européen. Le Panneau des lions, remarquable dans sa composition, illustre une véritable scène de chasse en groupe visant notamment quatre bisons et comptant des lions mâles, des femelles et des individus avec la gueule ouverte. De telles figures ont permis aux scientifiques de considérer que le lion des cavernes mâle était dépourvu de crinière significative.
A noter: D’après les découvertes réalisées dans la grotte Scladina, les Néandertaliens façonnaient des outils multifonctions en os de lion des cavernes dès - 130 000 ans, bien avant l’arrivée d’Homo sapiens. Le couteau suisse serait-il né en Belgique ?
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Le rhinocéros laineux, ce chasse-neige
En lieu et place de votre jardin ou immeuble, il y a quelques milliers d’années à peine, une armure sur pattes déambulait dans le blizzard. Jusqu’à 2 m au garrot, 4 m de long, 3 t… le rhinocéros laineux arrivait en deuxième position des mammifères terrestres titanesques, après l’illustre mammouth. Comme lui, il était enrobé d’une fourrure épaisse. Jusqu’à 15 cm pour le rhino. À l’instar du gros pachyderme, il était armé au niveau de la tête. Non pas avec des défenses, mais avec une paire de "cornes" en kératine. La plus grande, chez le mâle, pouvait atteindre 1,7 m de longueur ! Sur certaines illustrations de la grotte Chauvet, elle prend des proportions surprenantes. Au quotidien, cet appendice aurait servi à déblayer efficacement la neige pour atteindre l’herbe rase vitale à son alimentation.
A noter: En été 2024, une momie congelée de rhinocéros laineux est exhumée du sol sibérien. Datée de 32 400 ans, elle est contemporaine de l’occupation de Chauvet et révèle aux chercheurs une énorme bosse graisseuse sur les épaules.
Le renne, ce paradoxe
Pourquoi autant d’ossements de rennes dans la grotte de Lascaux et possiblement une seule manifestation artistique en son honneur ? Mystère. Le cerf, avec lequel il est parfois confondable sur les parois, est nettement plus souvent figuré. Il semblerait que, pour les premiers Magdaléniens vivant dans le Périgord paléolithique, le renne était davantage une ressource alimentaire qu’une source d’inspiration. On estime qu’il a pu représenter jusqu’à 95 % du gibier chassé dans la région de Lascaux à l’époque de son occupation, alors qu’il pèse moins de 5 % dans l’art de l’époque.
À noter: Une étude de 2018 a documenté le déclin du renne sauvage migrateur, passant de 4,7 à 2,4 millions d’individus en vingt ans. Certains troupeaux d’Amérique du Nord ont même diminué de 90 %. Le changement climatique serait en cause.
Le sanglier, premier dessin animé?
Le sanglier semble avoir colonisé l’Europe il y a 1 Ma depuis le sud de l’Asie. Sur l’île de Sulawesi (Indonésie), une représentation de sanglier datant de 45 500 ans serait la plus ancienne peinture rupestre figurative connue. En Europe, le mammifère trapu est rare dans l’art pariétal. À Altamira, ils sont deux dont un qui a la particularité d’afficher huit pattes (voir image principale de l'article). Cet effet serait destiné à créer l’illusion de mouvement, un ressenti accentué par l’éclairage vacillant d’une flamme. L’archéologue Marc Azéma a identifié une cinquantaine de cas de décomposition de mouvement supposé, sur 4 634 figures analysées dans 141 grottes. Queues, pieds, cornes, lignes du dos démultipliés… ne sont pas sans rappeler le traitement BD du mouvement !
À noter: Contrairement à ses voisins de tableau, le sanglier n’a pas disparu d’Europe, bien au contraire. L’humain du XXIe siècle le chasse toujours, mais par millions. Pour réguler – vainement ? – un emballement démographique nourri par l’élevage, l’agriculture et le changement climatique.
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Grand pingouin, grand massacre
Des pingouins en Méditerranée ? Trois fois oui. D’abord, il ne faut pas confondre ces oiseaux avec les manchots de l’hémisphère Sud qui partagent avec le grand pingouin une convergence évolutive, celle qui a privilégié la nage sous l’eau au détriment d’ailes aptes au vol. Ensuite, il existe toujours des pingouins en Méditerranée : le pingouin torda qui vient hiverner depuis le nord de l’Europe, et qui vole très bien. Enfin, grâce aux ossements et de façon encore plus spectaculaire grâce aux quatre représentations de la grotte Cosquer, on sait que le grand pingouin habitait le littoral provençal au Paléolithique.
Cette préhistoire de l’espèce permet de la voir autrement que par le prisme du destin dramatique qu’elle a connu plus récemment. Estimée à plusieurs millions d’individus entre Terre-Neuve et l’Islande avant l’arrivée des colons au XVIe siècle, sa population n’a pas résisté 350 ans avant d’être rayée de la carte. Incapable de fuir, le grand oiseau de 80 cm de haut était chassé pour sa chair, ses plumes, ses œufs et son duvet. Il était aussi utilisé comme appât pour la pêche. Le dernier individu aurait été tué en 1844.
A noter: Des études menées au Canada sur l’ADN d’ossements de grands pingouins datant d’avant l’arrivée des colons européens ne montrent pas d’indice de précarité des populations. En d’autres termes, l’humain serait l’unique responsable de l’extinction éclair du grand alcidé.
Le phoque moine de Méditerranée, espèce décimée
Bien que très stylisés, avec des vibrisses, des nageoires et un corps allongé identifiable, les 14 dessins de phoques de la grotte Cosquer sont remarquables. Notamment parce qu’ils semblent représenter des animaux systématiquement harponnés. Le destin de l’unique pinnipède du bassin méditerranéen était-il tout tracé ? Répandu naturellement de l’Atlantique (Canaries) à la mer Noire, il a progressivement été décimé par la chasse et les accidents dans l’ensemble de son aire de répartition. En France, il disparaît de Marseille en 1945 et de Corse en 1975. Le phoque moine ne subsiste en Méditerranée qu’entre la Grèce, les côtes turques et Chypre pour environ 500 individus. Ailleurs, 300 individus vivent au Cap Blanc (Mauritanie) et environ 40 à Madère.
À noter: Ces dernières années, des observations fortuites et des activités de surveillance révèlent de nouvelles incursions du phoque moine dans des eaux autrefois occupées, notamment entre Corse, Sardaigne et côte italienne. À l’image de cet individu qui s’est fait remarquer en mai dernier sur l’île de Capri, près de Naples.
Et le mammouth alors ?
Aurions-nous oublié le plus massif des animaux préhistoriques ? Impossible ! Apprenez-en plus sur l'illustre mammouth dans un dossier qui lui a été entièrement consacré !
Cet article est extrait de la Revue Salamandre
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