Angel Hidalgo Garrido, photographe du lynx ibérique blanc, (se) raconte

Le photographe espagnol Angel Hidalgo Garrido est le premier à avoir photographié un lynx ibérique au pelage blanc, c'était fin octobre en Andalousie. Il raconte cette rencontre exceptionnelle et évoque sa passion pour la nature et les grands félins.

Le photographe espagnol Angel Hidalgo Garrido est le premier à avoir photographié un lynx ibérique au pelage blanc, c'était fin octobre en Andalousie. Il raconte cette rencontre exceptionnelle et évoque sa passion pour la nature et les grands félins.

La sérénité qui émane de son image contraste avec l’extrême agitation dans laquelle il surnage depuis bientôt deux semaines. Depuis le 24 octobre, le photographe espagnol Angel Hidalgo Garrido ne sait plus où donner de la tête. Son image est partout. Du National Geographic espagnol à Paris Match en passant par TikTok, Instagram ou Facebook, partout son cliché est commenté. On y voit, au centre d’un paysage andalou oscillant du vert au brun, un lynx, regard droit dans l’objectif. Et l’animal est blanc, du jamais vu pour cette espèce.

©Angel Hidalgo Garrido

« Le fantôme blanc de la forêt méditerranéenne », écrivait le photographe sur les réseaux sociaux au moment de partager son cliché au monde. « Mes images ont pour but d'éveiller la conscience de chacun et de susciter un amour plus profond pour la nature », explique-t-il à tête à peine plus reposée. Le temps d’une vingtaine de messages vocaux, Angel Hidalgo Garrido a accepté de revenir sur la genèse de cette image et sur son retentissement international. L’homme de 29 ans raconte aussi son lien indéfectible avec la nature et son rêve de vivre un jour de la photographie. Interview.

Lire aussi: découverte d’un lynx ibérique blanc: comment expliquer cette couleur ?

Pour commencer, racontez-nous les coulisses de cette image incroyable.

Angel Hidalgo Garrido : Quand j’explore un nouveau lieu, comme cette fois-là, j’installe d’abord des pièges photographiques, pour identifier la faune locale. C'est très utile car cela m'indique quelles espèces sont présentes, à quel moment et à quelle fréquence. Un jour, j'ai remarqué qu'un piège photographique avait enregistré la présence d'un lynx plus blanc que d'habitude. Comme j'étudiais déjà la zone depuis plusieurs semaines, j'avais plus ou moins repéré quelques endroits stratégiques où il était plus souvent observé.

Vous avez donc multiplié les heures d’affût ?

D'innombrables jours, d'innombrables heures, de l'aube au crépuscule. J’ai consacré tout mon temps libre à chercher ce lynx ibérique pour prouver à tous son existence et le faire connaître au grand public. Un matin, après une nuit pluvieuse et froide, j'ai décidé de partir en montagne malgré la météo. Sur place, au loin, j'ai aperçu quelque chose d'irréel. Comme si ce n'était pas un lynx. Comme si c’était un autre grand félin, venu d'ailleurs. Je tremblais de tous mes membres. J’ai observé, tenté de prendre des photos, j'ai filmé. Quand j'ai enfin vu l'image sur mon appareil, je n'en croyais pas mes yeux. Puis j'ai regardé à nouveau, il avait déjà presque disparu.

Étiez-vous conscient que votre image ferait le tour du monde ?

Non, j’ignorais totalement qu’elle aurait un tel impact. J'ai reçu des messages de presque tous les pays du monde. Quand je l'ai publiée le 24 octobre, ça a été un véritable raz-de-marée. Je n'arrivais pas à répondre à tout le monde, c’était impossible.

Ne craignez-vous pas que votre image provoque un afflux de curieux qui souhaitent eux aussi voir cet animal ?

Après avoir pris la photo, j'ai contacté un ami qui travaille sur le projet lynx (Lynxconnect, la structure qui contribue à la préservation et au développement des populations de lynx ibérique, NDLR.) et je lui en ai parlé. Seuls l'équipe du projet et moi connaissons son lieu de séjour. Les personnes qui souhaiteraient le photographier ne pourront pas le faire, car je n'ai pas l'intention de révéler son emplacement. Je ne veux pas que le lynx se sente menacé ou stressé par les humains.

Vous aviez déjà photographié plusieurs lynx ibérique par le passé. Cet animal est-il particulier à vos yeux.

Très particulier. Depuis mon plus jeune âge, je suis fasciné par les grands félins. Alors que les autres enfants regardaient des dessins animés, moi je regardais des documentaires. Et presque tous ces documentaires portaient sur les grands félins. Je les adore, ils me fascinent. Quand j’ai vu que mon image était partagée par le National Geographic Espagne, c’est un rêve qui s’est réalisé: petit, je rêvais justement de réaliser leurs documentaires.

Si la nature vous anime depuis l’enfance, votre amour pour la photographie est plus récent ?

Oui, je pratique depuis environ trois ans. Mais avant, je faisais pratiquement la même chose: j’observais les animaux. Je fais ça depuis aussi longtemps que je m'en souvienne, en pleine nature. J'aime beaucoup suivre les animaux, me renseigner sur leurs comportements et étudier les lieux. Puis essayer de prendre une belle photo pour les mettre en valeur.

Avant le lynx blanc, d’autres rencontres vous ont particulièrement marquées ?

Je me souviens de ma première rencontre avec un bouquetin ibérique, il y a environ cinq ans. Je l'ai aperçu de très près, c'était une femelle qui venait de mettre bas trois petits. Une grande première pour moi, un moment très émouvant. J’ai un autre souvenir: il y a quelques années, en novembre je crois. je me trouvais dans un massif montagneux près de Jaén pour observer le rut du bouquetin ibérique. Ce massif est aussi le territoire d'un couple d'aigles royaux, et j'ai vu l'un d'eux tenter d'attraper un jeune bouquetin pour le dévorer. J'ai assisté à toute la scène, c’était incroyable.

Vos affûts se concentrent en Andalousie ?

Oui, mais quand mon travail me le permet, j'aime bien explorer d'autres régions. Cette année, par exemple, je suis allée pour la première fois dans les monts Cantabriques (tout au nord de l’Espagne, à côté du Pays basque, NDLR.) pour tenter d'apercevoir des ours et des loups. C'était une première pour moi. Les conditions météorologiques n'étaient pas idéales, mais j'ai tout de même pu observer une ourse et son petit dans leur habitat naturel. Extraordinaire.

Maintenant que votre image a fait le tour du monde, quels sont vos projets ?

J’aimerais voir le lynx du Canada, des ours en Alaska. Et j’ai aussi eu la chance de revoir le magnifique lynx blanc. Vous découvrirez d’ailleurs bientôt des photos inédites!

À voir: La Minute Nature: lynx, le retour fragile du grand prédateur

Et devenir photographe à temps plein ?

Oui! Actuellement, je travaille dans une usine de plaques de plâtre. Je travaille six jours, puis j’ai quatre jours de repos complets. Ces quatre jours sont parfaits pour faire de la photographie. Je consacre pratiquement tout mon temps libre à la nature, à l’observer et à la photographier. Mais mon rêve serait de pouvoir en vivre. Je m’y emploie, je cherche à m’améliorer, à immortaliser des moments exceptionnels.

Les causes de ce pelage blanc sont encore floues

Pour quelles raisons le lynx ibérique photographié par Angel Hidalgo Garrido, une femelle baptisée « Satureja », arbore-t-il un pelage aussi clair ? Les spécialistes n'ont pas encore de réponse définitive à cette question. Contacté par le média espagnol de fact-checking Newtral.es, le projet Lynxconnect rappelle que seules une capture et des analyses à partir d'échantillons pourraient permettre d'aboutir à un diagnostic définitif. Pour Javier Salcedo, coordinateur du Plan de sauvegarde du lynx ibérique, l'hypothèse privilégiée est celle d'une décoloration temporaire, potentiellement due à la consommation d'un produit contaminé, expliquait-il il y a quelques jours au média en ligne espagnol.

Lire aussi: notre dossier sur le blanc dans la nature

Et qu'en est-il du lynx boréal, cousin du lynx ibérique installé notamment en France et en Suisse? A-t-on déjà observé des individus blancs? Responsable du projet « conservation du lynx en Suisse : génétique, santé et démographie » à la Fondation Kora, spécialisée dans le suivi des grands carnivores, Kristina Vogt explique n'avoir jamais été mise au courant de l'existence d'un lynx boréal au pelage blanc, en tout cas pas en Suisse. Ce qui ne signifie pas pour autant qu'il n'y en a pas. La spécialiste rappelle ainsi que plusieurs cas de pelage blanc ou noir ont déjà été documentés sur d'autres félins.

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